Le mot « sens » a deux racines. Du latin sensus, il signifie la faculté d’éprouver des impressions, la faculté de connaître, voire de juger. Il signifie également l’idée ou l’image que représente un signe, une expérience. De part sa racine germanique sumo, il signifie la direction, l’orientation que prend quelque chose. En psychologie, le sens se rapporte essentiellement à l’expérience de cohérence, de cohésion, d’équilibre, voire de plénitude. Le sens est aussi associé à la raison d’être et de vivre, à la vocation (Frankl, 1969).

En conséquence, nous pouvons définir le sens du travail de trois façons.

  •  (Sensus) la signification du travail, la valeur du travail aux yeux du sujet et la définition ou la représentation qu’il en a
  • (Sumo) la direction, l’orientation du sujet dans son travail, ce qu’il recherche dans le travail et les desseins qui guident ses actions
  • Sens du travail  (Phénoménologie) l’effet de cohérence entre le sujet et le travail qu’il accomplit, entre ses attentes, ses valeurs et les gestes qu’il pose quotidiennement dans le milieu de travail.

Il y a des personnes pour qui le travail est un emploi. Elles ont tendance à penser que le travail est un moyen de gagner sa vie. Elles n’ont pas d’autre attente que celle d’obtenir un salaire et des avantages sociaux en échange de leur temps et de leurs efforts. Le travail est plutôt un mal nécessaire qui assure les revenus suffisants pour profiter de la vie en dehors du travail.

Il y a des personnes pour qui le travail est une carrière. Elles ont tendance à croire que ce qu’elles font dans leur travail leur permettra d’avancer dans leur plan de carrière et d’atteindre leurs objectifs professionnels. Elles ont ainsi tendance à investir beaucoup d’énergie dans leur travail afin d’obtenir l’avancement qu’elles convoitent et elles n’hésitent pas à adopter des attitudes de compétition pour se tailler la meilleure place au sein de l’organisation. Les opportunités d’avancement, les primes au mérite, les concours stimulent leur intérêt, car ils attisent leur goût pour l’accomplissement et le dépassement.

Il y a aussi des personnes pour qui le travail est une vocation. Elles ont tendance à concevoir le travail comme une activité essentielle qui leur permet de s’accomplir et de contribuer à leur communauté. Travailler leur procure du plaisir et de la gratification.

Ros, Schwartz et Surkiss (1999) vont plus loin en émettant l’hypothèse que les valeurs de travail ou les objectifs du travail sont le reflet de valeurs fondamentales. Selon ces chercheurs, les valeurs fondamentales qui inspirent les conduites des individus dans la société se retrouvent également dans le contexte du travail.

Dix valeurs fondamentales décrivent leur modèle: le pouvoir, l’accomplissement, l’hédonisme, la stimulation, l’autonomie, l’universalisme, la bienveillance, la tradition, la conformité et la sécurité. Leurs analyses les ont conduits à dégager 4 ensembles de valeurs associées au travail.

  1. Dans le premier ensemble, les valeurs de travail concernent la valorisation personnelle : on y retrouve en outre la valeur accordée à l’autorité et au prestige associé à la position. Cet ensemble est corrélé avec les valeurs de valorisation personnelle (pouvoir, accomplissement et hédonisme).
  2. Le deuxième ensemble concerne les relations aux autres et à la société : il regroupe les valeurs accordées à la contribution sociale, au travail en équipe et aux contacts avec autrui. Ces valeurs sont corrélées avec les valeurs de transcendance (i.e. universalisme et bienveillance).
  1. Le troisième ensemble regroupe les valeurs associées au travail lui-même : la variété des tâches, l’intérêt du travail et l’autonomie décisionnelle. Ces valeurs de travail sont corrélées avec les valeurs de développement (i.e. stimulation et autonomie).
  2. Le dernier ensemble concerne les valeurs associées aux conditions de travail : on y trouve le salaire, les conditions de travail et la sécurité de l’emploi. Ces valeurs sont corrélées avec les valeurs de conservation (i.e. sécurité, conformité et tradition).
  • Le travail donne aux individus le sentiment d’appartenance à la société et le sentiment de pouvoir y apporter une contribution utile.
  • Le travail leur donne aussi des occasions de créer des liens d’attachement avec d’autres.
  • Le travail est aussi un moyen d’obtenir un statut valorisé dans une société et de gagner le respect des autres.
  • Le travail offre également la possibilité de définir son identité sociale.
  • Par sa régularité et son horaire, le travail permet de structurer le temps, de rythmer 
les activités de la vie quotidienne.
  • Le travail est un moyen de surmonter les problèmes existentiels de l’être humain, 
c’est-à-dire la solitude et la mort.
  • Le travail permet aussi aux individus de s’accomplir en leur donnant des occasions 
de relever des défis ou de poursuivre leurs idéaux.
  • Enfin, le travail est un moyen de transcender l’existence humaine, dans la mesure où 
les individus sont dédiés à une cause importante et significative.

Extrait de DONNER UN SENS AU TRAVAIL de Estelle M. Morin.

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